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Au sein d’un groupe de sociétés, il peut être intéressant d’instituer une convention de trésorerie, ou convention d’omnium, entre les différentes entités afin d’optimiser le financement de chacune d’entre elles et de limiter certains risques juridiques et fiscaux. De cette manière, l’ensemble des opérations de trésorerie sont centralisées et supervisées par une société pivot désignée par la convention, ce qui permet d’équilibrer les fonds des sociétés en utilisant le surplus de l’une pour combler le déficit de l’autre. La gestion du groupe s’en trouve facilitée.

La conclusion d’une convention de trésorerie est soumise à des conditions de fonds, la première étant l’existence d’un lien capitalistique entre les sociétés : ce mécanisme n’a d’intérêt qu’au sein d’un groupe. Il est cependant nécessaire de comprendre les risques associés à une mauvaise gestion de ce système de centralisation de la trésorerie, notamment la perte d’autonomie des filiales en situation de dépendance financière vis-à-vis de la société pivot.

Qu’est-ce qu’une convention de trésorerie ?

A la création de son entreprise, les entités composant un groupe de sociétés ont souvent besoin de financements pour booster leurs activités. Dans le souci de maîtriser les flux financiers au sein d’un tel groupe et se prémunir contre les risques d’anarchie, il est généralement conseillé de procéder à la centralisation des mouvements de trésorerie. Une telle opération doit se formaliser par la conclusion d’une convention. Sans pour autant les faire fusionner, son rôle consiste à assurer la liaison et la gérance du fonctionnement de la trésorerie des différentes sociétés. C’est essentiellement dans ce contexte que doit être comprise la convention de trésorerie. En d’autres termes, il s’agit donc d’un système de trésoreries en vases communicants, construit autour d’un ensemble composite de sociétés.

Les différentes composantes de la convention

L’une des particularités de ce type de contrat, c’est la possibilité que plusieurs entreprises ayant différents statuts juridiques puissent en faire l’objet. Il s’agit donc d’un ensemble composite de sociétés (SARL, SA, SAS, SASU, SCI ou autres).  Rien n’est figé en la matière, étant donné que toutes les composantes préservent leur personnalité juridique et que seule la trésorerie est concernée par le système mis en place.

Le fonctionnement de la convention

Différentes par leur nature, les sociétés faisant objet de ladite convention ont la possibilité de formaliser la liaison et la gestion de leur trésorerie de différentes façons. Il existe en la matière deux possibilités :

 

  • L’option des flux directs : il s’agit des mouvements directs entre les sociétés, accordant la possibilité d’assurer les opérations d’encaissement et de décaissement avec les dettes et les créances correspondantes ;
  • L’option de la responsabilisation d’une société tampon : elle correspond au modèle le plus fréquent et se résume à la constitution d’un système centralisé représenté par une société « pivot », jouant un rôle d’intermédiaire. Dans ce type de convention de trésorerie (correspondant à un modèle entre une société mère et sa fille), la société pivot aura pour but d’assurer la gestion de toutes les opérations de trésorerie, de sorte que les composantes les plus productives parent aux besoins des moins productives. Dans ce cas, chaque société devra donner mandat à la société pivot pour assurer la gestion de trésorerie.

En fonction de l’option choisie, il y aura sur le plan juridique, soit des liens de créancier / débiteur directs entre les sociétés concernées, soit des chaînes de liens de débiteurs / créanciers avec la structure centralisée qu’incarne la société pivot.

Dans le premier cas, chaque société concernée disposera d’un compte courant créditeur ou débiteur avec chaque autre société concernée. Dans le second cas, il s’agira plutôt d’un compte courant d’associés. Tout dépendra des dispositions contenues dans les textes formalisant la convention.

Format de la convention

Comme l’indique sa désignation, la convention est un contrat qui devra être rédigé et signé par toutes les différentes sociétés constituant le groupe. Selon le principe de la liberté contractuelle auquel il est soumis, le document doit porter mention de certaines informations importantes. Ces dernières ont pour objectif de faciliter le fonctionnement à l’intérieur du groupe, dont elles fixent les modalités (confère le dernier point sur le modèle d’une convention).

Pourquoi mettre en place des conventions de trésorerie ?

Il existe diverses raisons pratiques justifiant la mise en place d’une convention de trésorerie.

L’optimisation de la gestion financière

La principale motivation est un souci d’équilibre. En effet, il est fréquent de constater, au sein d’un groupe, une sorte de disparité en ce qui concerne le fonctionnement de la trésorerie. Ainsi, pendant que les résultats des uns leur permettent de dégager des excédents, l’activité menée par les autres révèle des besoins de trésorerie.

La notion de groupe révélant le souci de se mettre ensemble pour réussir, le mécanisme de gestion des flux financiers permet une sorte de soutien « aux moins performants » par le biais d’une compensation positive. Ce souci explique largement pour quelle raison cette solution épouse souvent le modèle d’une société mère servant de soutien à ses filiales qu’elle regroupe sous son aile.

La maîtrise des risques fiscaux

Lorsqu’elles sont bien définies, les modalités de fonctionnement de la convention permettent de réduire le risque qu’une opération soit jugée illicite ou non conforme aux méthodes admises en droit des sociétés (par exemple le risque de tomber sous le joug de la qualification pénale d’abus de biens sociaux).

Dans le même ordre d’idées, mis à part le besoin de sécurité qu’elle garantit aux opérations de trésorerie, la convention de trésorerie restreint également l’éventualité que les financements au sein du groupe soient taxés de distributions illicites de bénéfices. Son caractère légal et formel permet, en outre, de la rendre opposable à l’administration fiscale. En résumé, voici une liste non exhaustive de quelques avantages de la constitution d’une convention de trésorerie :

  • Assurer beaucoup de flexibilité dans la gestion du groupe ;
  • Faciliter la création de filiales à une société en quête d’expansion ;
  • Réduire les risques d’accusation de pratiques de trésorerie prohibées par le droit des sociétés (abus de biens sociaux, distribution illicite de bénéfices…) ;
  • Limiter les risques de confusion de patrimoine lorsqu’une filiale tombe en cessation de paiement ;
  • Réduire le risque que la responsabilité délictuelle des dirigeants soit engagée en matière d’abus de majorité.

Les missions d’une société pivot

Dans le contexte d’un groupe, la société pivot se veut toute désignée pour assurer la gestion des mouvements financiers, ce qui sous-entend celle des comptes courants. Le rôle central qu’elle joue pourrait s’appréhender à travers ses principales missions.

La première est celle de l’analyse, en ce qu’elle doit apprécier les excédents et les déficits de trésorerie de chaque société afin de déterminer les besoins de trésorerie de chacune d’entre elles.

La convention de trésorerie attribue également à la société pivot une mission de collecte, parce que pour centraliser la trésorerie du groupe, elle devra récupérer les fonds qui y sont disponibles.

La troisième est relative à la redistribution, car pour faire circuler les fonds des sociétés au sein du groupe, elle doit jouer à la fois le rôle d’emprunteur et de prêteur. Intéressons-nous à présent aux conditions nécessaires à l’établissement de ce type de contrat.

Quelles sont les conditions pour établir des conventions de trésorerie ?

Les conditions d’établissement de la convention s’apprécient essentiellement à travers les éléments constituant son fondement juridique.

L’importance du lien capitalistique

L’importance du lien capitalistique constitue l’un des éléments clés du fondement juridique de la convention.

En principe, à l’exception des opérations de prêts attribués de façon ponctuelle ou isolée, les avances de trésorerie entre les sociétés sont interdites. Sur le plan juridique, lorsqu’une société consent des avances à une autre, celles-ci sont considérées comme des opérations de banque, et de l’ordre du monopole bancaire.

C’est ce que formalise l’article L. 511-5 du Code monétaire et financier (même si la loi Macron permet, de façon encadrée, des prêts interentreprises, à la condition que ces dernières soient liées commercialement, par une sorte de convention de trésorerie entre sociétés sans lien capitalistique).

Toutefois, pour en revenir aux dispositions du Code, l’article L. 511-7-3 du même Code entérinait la possibilité d’opérations de trésorerie entre une société et d’autres, si ces dernières entretenaient des liens de capital, d’où l’importance du lien capitalistique.

Cette exception constitue en réalité le fondement juridique justifiant l’interdépendance instituée dans le fonctionnement des trésoreries d’un groupe de sociétés. Elle justifie donc l’institution des pools de trésorerie et des prêts intragroupe.

Lien capitalistique et pool de trésorerie

Dans la plupart des cas, le lien capitalistique s’admet entre les sociétés regroupées au sein d’un même groupe. C’est au nom de ce lien que pourront par exemple se former des pools de trésorerie en toute légalité. Le pool de trésorerie correspond au modèle centralisé d’une convention attribuant les plus grandes fonctions du groupe à une société pivot ou une société mère.  On suppose donc dans une telle configuration que la société pivot pilote toutes les opérations liées à la trésorerie de chacune des autres composantes.

L’institution d’un pool de trésorerie ne constitue cependant pas la seule dérogation au principe du monopole bancaire, qui donne également la possibilité des prêts intragroupe.

Lien capitalistique et prêts intragroupe

En effet, il existe une possibilité de convention de trésorerie exclusivement entre deux sociétés sœurs, faisant partie d’un même groupe. Cette dérogation découle de l’interprétation de l’article L. 511-7-3 du Code monétaire et financier. Son application est cependant soumise à certaines conditions, étant donné que l’article précise qu’une entreprise « ne peut procéder à des opérations de trésorerie, qu’avec des sociétés ayant avec elle directement ou indirectement des liens de capital conférant à l’une des entreprises liées, un pouvoir de contrôle effectif sur les autres. » (C. mon. Et fin. Art. L. 511-7-3).

En nous basant sur cette interprétation, un contrat de trésorerie est valable lorsqu’il est établi entre deux sociétés sœurs. On entend ici par sociétés sœurs, celles dont les parts sont détenues par un seul et même dirigeant, personne physique, ce dernier étant détenteur de la majorité des parts dans l’une, et de la moitié dans l’autre. Autrement dit, une convention de trésorerie est considérée comme valable, lorsqu’elle est formée entre deux sociétés sœurs dont les parts sont détenues par un seul et même dirigeant.

Même si elle semble poser un problème de droit (du point de vue du contrôle exercé par une personne ne détenant que la moitié du capital), un arrêt de la Cour de cassation du 10 décembre 2013 règle le problème de la validité d’une convention de trésorerie conclue dans un tel contexte, en précisant la notion de « contrôle effectif ». L’interprétation que la cour fait de la notion du « contrôle effectif » privilégie l’effectivité du contrôle à l’obligation d’une détention majoritaire. En termes plus clairs, la Cour admet qu’il y a contrôle, même si le « dirigeant-contrôlant » ne détient que la moitié du capital d’une des deux sociétés, et la majorité dans l’autre.

Enfin, le Comité de la réglementation bancaire (CRB) admet la conclusion d’une convention entre deux sociétés sœurs du même groupe, sans implication de la société mère, à la seule exception que la condition de contrôle effectif soit remplie.

Les dangers d’une convention de trésorerie et les implications fiscales

Il existe certains risques liés à l’institution d’un système de trésorerie centralisé. Sans avoir forcément établi une liste exhaustive sur le sujet, énumérons certains éléments constituant des risques à considérer en la matière.

La perte d’autonomie de certaines filiales

Certaines sociétés du groupe, présentant de façon récurrente des déficits de trésorerie, pourraient demeurer sous un assistanat constant de la société pivot ou société mère, une situation allant à l’encontre de la dynamique ayant motivé leur création.

La perte de la personnalité juridique

Même si elles sont liées par la convention de trésorerie, les différentes entités constituant le groupe doivent conserver leur personnalité juridique propre. Elles ne doivent en rien être lésées par la convention. C’est la raison pour laquelle, il est important de veiller à ce que l’accord de confidentialité soit en adéquation avec l’objet social de chaque entité qui la compose.

Le risque de tomber sous la qualification pénale d’abus de biens sociaux ou d’abus de pouvoir

Le principe établi et reconnu est qu’une société faisant des avances doit nécessairement en recevoir une contrepartie financière. Une mauvaise interprétation de la notion de groupe pourrait faire naître la tentation de consentir aux filiales des avances sans exigence de rémunération en retour (intérêts).

Sur le plan juridique, la tentation de ne pas rémunérer les avances de trésorerie est un acte anormal de gestion, qui devra être relevé et faire l’objet d’un redressement en cas de contrôle fiscal. De même, dans certains cas, la qualification pénale d’abus de biens sociaux, ou d’abus de pouvoir, pourra être retenue, dans le cas où la société pivot qui attribue les avances à ses filiales, se charge aussi parallèlement de payer les intérêts de ses filiales.

Modèle de convention de trésorerie

C’est possible de s’inspirer d’un modèle type de convention de trésorerie en téléchargeant un guide d’aide à la rédaction d’une convention de trésorerie en PDF. Il convient juste de préciser qu’à l’image de tous les types de contrats, l’élaboration du document doit prendre en compte certains éléments, quel que soit le modèle adopté :

  • L’énumération de toutes les parties cocontractantes : elle suppose l’identification détaillée de chacune des entités du groupe prenant partie à la convention ;
  • La mention du lien capitalistique unissant les différentes sociétés et exprimant leur volonté de cohabiter dans un groupe (il est nécessaire de mentionner l’article L. 511-7 du Code monétaire et financier sur ce point) ;
  • L’objet de la convention : il revient à préciser qu’il s’agit d’une convention de trésorerie ayant pour effet la gestion du fonctionnement de la trésorerie des sociétés composant le groupe (gestion des besoins et des excédents de trésorerie) ;
  • Les spécificités du fonctionnement à l’intérieur du groupe : les rôles des différentes composantes doivent être clairement définis par rapport à la gestion des flux financiers (pour illustration, la détermination de la société mère, de ses filiales et leurs obligations mutuelles). Les précisions relatives à la fréquence des flux, l’ouverture des comptes de dépôt, les conditions de prêt pour les sociétés ayant des besoins de trésorerie, la durée des remboursements, le personnel dédié aux opérations de trésorerie doivent être clairement traitées ;
  • La durée de validité de la convention de trésorerie ;
  • La rémunération : le document doit spécifier les bases sur lesquelles les intérêts devant découler des avances consenties seront calculés. Notons ici qu’il peut arriver que plusieurs sociétés du groupe soient les pourvoyeuses des apports (ou entités créditrices) faisant objet des prêts par les autres. Dans ce cas de figure, les intérêts devront être répartis entre toutes les sociétés emprunteuses, au prorata des sommes qu’elles auraient empruntées ;
  • Les implications de l’entrée d’une nouvelle société au sein du groupe ;
  • Les implications de la sortie d’une société du groupe ;
  • Le rappel de l’autonomie de chacune des sociétés du groupe, en dehors des mécanismes de fonctionnement de la trésorerie qui les lient ;
  • Les modalités de résolution des litiges : Lors de sa rédaction, la convention doit renseigner sur la procédure à suivre en cas de survenance d’un litige (juridiction compétente pour juger et solutionner ce litige, mécanismes de résolution à l’amiable…)

Précisons que même si elle apporte des renseignements sur l’essentiel des éléments devant figurer dans le document, cette liste est loin d’être exhaustive. En effet, d’autres spécificités pourraient être prises en compte par les rédacteurs, au nom de la liberté contractuelle dont ces derniers jouissent (pour illustration, les sociétés du groupe sont libres de déterminer les taux d’intérêt applicables aux emprunts. Aucune obligation ne leur est faite en la matière).

Enfin, il est conseillé de soumettre la convention de trésorerie à la procédure des conventions réglementées comme dans la SAS afin de lui donner plus de légitimité.

Lire aussi : Le fonctionnement de l’autoliquidation de la TVADevis d'expertise comptableDevis d’expertise comptable

Co-fondateur LegalPlace, Mehdi est diplômé du magistère DJCE et avocat. Il a exercé plus de 12 ans au sein de cabinets anglo-saxons et français en droit des sociétés, fusions-acquisition et capital investissement.

Dernière mise à jour le 16/04/2024

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Le MN
Le MN
juin 2, 2020 6:40 am

Bonjour,
Je ne suis que gérante de différentes sociétés mais je pense que non : les conventions de trésorerie ne sont possibles qu’entre 2 sociétés ayant un lien juridique direct entre elles, par la voie de participation. Il faudrait donc disposer d’une holding ayant des parts dans les 2 SCI et qui aurait une convention de trésorerie avec chacune.

Mehdi
Mehdi
juin 18, 2024 7:00 pm

Bonjour,

Je souhaiterais etablir une convention de trésorière, avez vous un numero a partager svp?

Louise
Administrateur
juin 26, 2024 9:47 am
Répondre à  Mehdi

Bonjour,

Un tel contrat doit être rédigé avec précisons. Ainsi, de nombreux modèles sont disponibles sur internet.
Néanmoins, il est recommandé de faire appel à un professionnel en la matière qui vous rédigera une convention personnalisée.
En espérant avoir su répondre à vos interrogations.
L’équipe LegalPlace

Rédigé par

Co-fondateur LegalPlace, Mehdi est diplômé du magistère DJCE et avocat. Il a exercé plus de 12 ans au sein de cabinets anglo-saxons et français en droit des sociétés, fusions-acquisition et capital investissement.