Journaliste et auto-entrepreneur : est-ce possible ?
Dernière mise à jour le 01/12/2023
Un journaliste peut-il exercer sous le statut auto-entrepreneur ? Le statut de journaliste professionnel est encadré par le Code du travail et la Convention Nationale des journalistes du 1 novembre 1976. Conformément à ces textes légaux et à la jurisprudence, le journaliste est nécessairement un salarié. S’il est vrai qu’en pratique, certains journalistes travaillent sous le statut de micro-entrepreneur, il semble que cela s’apparente davantage à du salariat déguisé. Plus encore, le statut auto-entrepreneur prive le journaliste d’un grand nombre d’avantages.
Journaliste auto-entrepreneur : qu’est-ce que le statut auto-entrepreneur ?
Introduit dans le paysage juridique par la loi de modernisation de l’économie n° 2008-776 du 4 août 2008, le statut auto-entrepreneur est entré en vigueur au 1er janvier 2009. L’objectif était d’offrir aux entrepreneurs une alternative à l’entreprise individuelle (EI) et d’encourager la création d’entreprises.
Selon la publication Acoss Stat n°303, le nombre d’auto-entrepreneurs s’élevait à 1 565 000 fin juin 2019, soit une hausse de 16,5% par rapport à 2018. La popularité de cette forme juridique tient à ses nombreux avantages. Il s’agit en effet d’un statut très accessible dont les formalités de création et de gestion sont simplifiées.
Le statut juridique de micro-entrepreneur est ouvert à toute personne physique qui désire exercer une activité commerciale, artisanale ou libérale de manière indépendante. Les seules conditions à respecter sont les suivantes :
- Être majeur ;
- Être de nationalité française ou ressortissant européen
- Détenir une adresse postale en France ;
- Ne pas faire l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle, ni d’une condamnation à une interdiction de gérer ou d’exercer ;
- Respecter les seuils légaux de chiffre d’affaires (188 700 € pour les activités de vente de marchandises et 77 700 € pour les prestations de services).
La micro-entreprise permet d’entreprendre en toute simplicité. Elle est généralement choisie par les entrepreneurs qui souhaitent :
- Entreprendre avec une prise de risque limitée ;
- Tester la viabilité et la stabilité d’un projet entrepreneurial avant d’évoluer vers un autre statut juridique (EURL, SARL, SAS…) ;
- Compléter leurs revenus en parallèle d’une autre activité (salarié, étudiant, fonctionnaire à temps partiel).
Quel est le statut légal d’un journaliste professionnel ?
Le statut du journaliste professionnel fait l’objet d’un encadrement légal auquel la jurisprudence est venue apporter des précisions au fil des années. Le Code du travail, appuyé par la jurisprudence, prévoit une présomption de salariat au bénéfice des journalistes.
Définition du journaliste professionnel
Le statut de journaliste professionnel est défini par les articles L711-3 et suivants du Code du travail ainsi que par la Convention Nationale des Journalistes du 1 novembre 1976. Conformément à l’article L711-3 du Code du travail, est journaliste professionnel “toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.”
Ainsi, par application de l’article précité et de la convention collective, la qualité de journaliste professionnel s’acquiert dès lors que les 4 critères suivants sont réunis :
- Exercer une activité journalistique ;
- Exercer la profession de journaliste à titre principal ;
- Retirer l’essentiel de ses ressources de l’exercice de la profession de journaliste ;
- Exercer l’activité journalistique dans une ou plusieur(s) publication(s) de presse.
Par ailleurs, l’article R7111-1 du Code du travail dispose que la carte professionnelle ne peut être accordée qu’aux personnes ayant le statut de journaliste professionnel au sens des articles L711-3 et suivants du Code du travail. À maintes reprises, la jurisprudence a rappelé que cette carte n’était pas la condition pour prétendre au statut de journaliste, mais simplement une preuve de celui-ci.
Présomption de salariat
L’article L7112-1 du Code du travail instaure une présomption de salariat autour du statut de journaliste. En effet, le texte prévoit que toute convention par laquelle une entreprise de presse collabore avec un journaliste, en contrepartie d’une rémunération, est présumée être un contrat de travail. L’article ajoute que cette présomption s’applique quel que soit les modalités et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les contractants.
En d’autres termes, le journaliste est présumé être salarié de l’entreprise de presse, sans qu’il ne soit nécessaire de prouver le lien de subordination qui l’unit à celle-ci. Il s’agit du lien par lequel l’employeur exerce son autorité sur le salarié : pouvoir de direction, pouvoir de contrôler l’exécution des ordres et de sanctionner leur mauvaise exécution. Il est l’une des caractéristiques du contrat de travail avec la fourniture du travail et d’une rémunération.
Exercer le métier de journaliste sous le statut auto-entrepreneur : est-ce possible ?
En application des textes légaux, il semble que le statut d’auto-entrepreneur et celui de journaliste ne soient pas compatibles. En effet, l’auto-entrepreneur exerce son activité en toute indépendance, sans recevoir ni exécuter d’ordres. Au contraire, le journaliste est, en vertu de la loi, considéré comme un salarié. Il est uni par un lien de subordination à l’entreprise de presse pour laquelle il travaille. Or, dans les faits, il n’est pas rare que des journalistes collaborent sous le statut de micro-entrepreneur avec une ou plusieurs publications(s). Si cette pratique semble aller à l’encontre des dispositions légales, elle prive en outre le journaliste professionnel d’un certain nombre d’avantages.
Un risque de requalification de la collaboration en contrat de travail
En pratique, certains journalistes exercent leur activité sous le statut d’auto-entrepreneur et se présentent comme “journalistes indépendants” ou “journalistes freelance”. L’option pour la micro-entreprise peut résulter de la volonté du journaliste lui-même ou de la demande d’une entreprise de presse. Quoi qu’il en soit dans les faits, la relation contractuelle s’apparente généralement davantage à du salariat déguisé sur le plan juridique. Le contrat de prestation de services peut ainsi être requalifié en contrat de travail si l’auto-entrepreneur en fait la demande.
À titre d’exemple, dans une décision du 24 janvier 2011, la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) a octroyé la carte professionnelle à un journaliste auto-entrepreneur aux motifs que :
- La micro-entreprise avait été créée à la demande de l’employeur ;
- Elle facturait ses prestations à cette société d’édition exclusivement ;
- Elle exerçait une activité journalistique dont elle tirait l’essentiel de ses revenus ;
- Elle travaillait dans les locaux de l’entreprise conformément aux horaires et aux directives imposés par l’employeur.
Il faut bien comprendre que, dès lors qu’une personne réunit les conditions prévues à l’article L711-3 du Code du travail, elle obtient le statut de journaliste professionnel et bénéficie, à cet égard, de la présomption de salariat. C’est ainsi à l’employeur de démontrer qu’il n’existe pas de lien de subordination et que le rédacteur freelance ne réunit pas les conditions pour accéder à la qualité de journaliste.
Les inconvénients de l’exercice de la profession de journaliste sous le régime auto-entrepreneur
L’exercice du métier de journaliste sous le statut auto-entrepreneur présente des inconvénients. En effet, en pratiquant son activité dans le cadre d’une auto-entreprise, le journaliste ne bénéficie pas de l’application de la convention collective des journalistes, pourtant très favorable. Il perd, à ce titre, un certain nombre de droits :
- Prime d’ancienneté ;
- Prime de 13ème mois ;
- Congés payés ;
- Maintien du salaire en cas d’accident du travail, de maladie professionnelle ou de congé maternité (article 36 et article 42 de la convention collective des journalistes) ;
- Indemnité conventionnelle de licenciement au moins égale à 1 mois de salaire par année d’ancienneté.
Aussi, le journaliste auto-entrepreneur ne jouit pas des bénéfices attachés à la qualité de salarié. En effet, en tant que micro-entrepreneur, il bénéficie d’une couverture sociale bien moins protectrice que celle offerte aux employés : pas d’assurance chômage, des indemnités journalières relativement faibles en cas d’accident ou de maladie ou encore de congé maternité, etc.
FAQ
Comment obtenir le statut de journaliste ?
Pour obtenir la qualité de journaliste, les conditions légales suivantes doivent être réunies :
- Exercice d’une activité journalistique à titre principal ;
- L’intéressé doit tirer l’essentiel de ses ressources de cette activité ;
- La profession doit être exercée dans une ou plusieurs publications.
Quelles activités peuvent être exercées sous le statut auto-entrepreneur ?
Sous le statut d’auto-entrepreneur, peuvent être exercées des activités commerciales et artisanales ainsi que des professions libérales relevant de la Cipav.
Quels sont les inconvénients de la micro-entreprise ?
Le régime auto-entrepreneur présente les inconvénients suivants : des seuils légaux de chiffre d’affaires relativement bas, l’impossibilité de déduire les frais professionnels, l’impossibilité de récupérer la TVA, des charges sociales calculées sur le chiffre d’affaires et non sur les bénéfices, etc.
Dernière mise à jour le 01/12/2023
Un retraité peut-il obtenir une carte de journaliste ? Je poursuis depuis de nombreuses années une recherche fouillée sur un sujet social et je vais avoir besoin d’accéder à des informations que les détenteurs refusent de dévoiler.
Selon votre réponse je vous communiquerai mon téléphone.
Merci d’avance pour votre éventuelle réponse.
Bonjour,
Je vous invite à vous rapprocher de la Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels (CCIJP).
En espérant avoir su répondre à vos interrogations.
L’équipe LegalPlace
Bonjour, si je comprends bien, une personne ayant une micro-entreprise peut donc écrire des articles ou colonnes pour des médias si ce n’est pas son activité principale ? Et est-ce alors considéré comme une prestation de services, dans la catégorie d’activité libérale ? Merci !